Les demandes que vous entendez formuler devant le Conseil de prud’hommes doivent être chiffrées. Par exemple, il ne suffit pas de demander la condamnation de votre employeur pour harcèlement moral, il convient de solliciter à ce titre l’octroi de dommages et intérêts.
Le chiffrage de vos demandes doit obéir à une logique précise, vous ne pouvez pas choisir aléatoirement le montant des sommes demandées.
Selon les demandes que vous formulez, plusieurs règles vont s’appliquer.
En matière de rupture du contrat de travail, si vous estimez que votre licenciement est injustifié MAIS qu’il ne repose ni sur un motif discriminatoire, ni sur du harcèlement (par exemple vous êtes licencié pour faute mais vous contestez avoir commis cette faute), alors vous devrez demander une indemnisation qui correspond au barème fixé par l’article L.1233-5 du code du travail et qui est fonction de votre ancienneté.
Par exemple, si votre contrat a été rompu alors que vous étiez en poste dans l’entreprise depuis 8 ans, vous pourrez demander une indemnisation comprise entre 3 et 8 mois de salaire brut moyen.
Le salaire brut moyen est calculé en référence à la moyenne de la totalité de vos salaires bruts des 12 mois précédents la rupture de votre contrat. Si vous avez été en arrêt de travail, il vous faudra prendre les 12 mois précédents votre placement en arrêt de travail.
Si vous formulez une demande au titre d’une rupture de votre contrat qui est fondée, selon vous, sur un motif discriminatoire ou sur un harcèlement, dans ce cas, le barème précité n’est pas applicable. Vous pourrez alors solliciter une indemnisation qui sera a minima de 6 mois de salaire brut. Si les manquements de votre employeur ont été très graves et / ou que vous avez beaucoup d’ancienneté, vous pouvez solliciter plus de 6 mois de salaire.
Attention, il convient de rester cohérent et d’effectuer une demande raisonnable. A titre d’exemple, nous vous déconseillons de demander 18 mois de salaire pour une discrimination si vous n’aviez qu’un an d’ancienneté dans l’entreprise et que votre santé n’a été que modérément altérée.
Pour le reste, il conviendra de fixer de manière justifiée et raisonnable vos demandes chiffrées.
En matière de salaire par exemple, si vous estimez qu’un rappel de salaire doit vous être versé car vous n’avez pas été payé de la totalité des heures supplémentaires effectuées, il est largement recommandé de chiffrer précisément ces heures et donc le montant dû. Vous devez éviter de mettre une somme forfaitaire et générale mais vous rapprocher le plus possible de ce que vous pouvez calculer de manière objective.
Certaines demandes ne peuvent être chiffrées de manière purement “mathématique”. Par exemple, si vous estimez que votre employeur a manqué à son obligation de sécurité, il conviendra de fixer un montant de dommages et intérêts. Celui-ci devra être fonction du réel préjudice que vous avez subi. Plus vous serez en capacité de démontrer la réalité de votre préjudice (exemple : vous disposez d’éléments médicaux qui démontrent un épuisement professionnel) plus vous pourrez augmenter votre demande.
En effet, l’enjeu majeur d’une procédure est la capacité de rapporter la preuve de ce que l’on affirme. Il ne suffit pas d’affirmer avoir été harcelé, il faut être en capacité d’apporter des éléments (emails, sms, témoignages, etc) qui laissent a minima supposer que vous avez été victime des faits allégués.
Pour CHAQUE demande que vous formulez, il faudra donc vous poser la question de savoir si vous disposez des PREUVES nécessaires.
Voici quelques pistes pour vous aider dans cette démarche :
- Vous pouvez tenter d’obtenir des témoignages (de collègues de travail, de clients, etc). Pour cela, il convient que les personnes concernées attestent par écrit de ce qu’elles ont vu. L’attestation se fait via le formulaire cerfa 11527-03 trouvable facilement sur internet. Les personnes doivent attester par écrit et fournir une copie de leur pièce d’identité pour que celle-ci soit valable.
- Vous pouvez rechercher dans vos documents professionnels (emails, conversations whatsapp, SMS, etc) tout ce qui prouve votre demande. Si vous n’avez plus accès à vos outils professionnels, sachez que vous pouvez tenter de formuler une demande de droit d’accès en application du RGPD. Vous pouvez consulter le site de la CNIL qui vous explique le principe et comment procéder.
- Si vous êtes toujours en poste au moment de votre démarche, il est recommandé de vous pré-constituer un dossier en récupérant tous vos emails, tous les documents nécessaires et à votre disposition dans l’entreprise pour démontrer ce que vous reprochez à votre employeur. Si vous sentez que vous pouvez faire l’objet d’un licenciement de manière imminente, il est fortement conseillé de prendre les devants en sauvegardant tout ce qui doit l’être, pour être en mesure de prouver ce que vous alléguez le moment venu.
- Si vous avez eu plusieurs échanges avec la médecine du travail, pensez à demander votre dossier médical au service de santé au travail dont vous dépendez. C’est un droit qui ne peut vous être refusé. Ce document peut contenir de précieuses informations que vous pourrez produire en justice pour démontrer l’atteinte à votre santé.
Sachez que si vous avez eu connaissance, à l’occasion de l’exercice de vos missions, de documents qui peuvent vous être utiles, vous avez le droit de les produire même s’ils appartiennent à l’entreprise. Attention, vous n’avez pas le droit de voler des documents mais si vous étiez en capacité d’en prendre connaissance et qu’ils sont nécessaire à prouver les faits reprochés, alors vous êtes en droit de les produire en justice.
S’agissant des enregistrements vocaux à l’insu de votre interlocuteur, la jurisprudence commence timidement à les accepter mais attention, ce doit être votre dernier recours pour espérer que cela soit recevable. Il s’agit d’un moyen de preuve qui est considéré par les tribunaux comme déloyal. Aussi vous pouvez envisager d’utiliser de tels enregistrements qu’à la condition que cela soit strictement nécessaire à prouver votre prétention. Si vous disposez d’un autre moyen de preuve, il sera à privilégier.
Lorsque vous argumentez vos demandes dans votre requête ou dans vos conclusions, vous devez veiller à toujours rapporter ce que vous affirmez à des pièces et à des faits précis et vérifiables.
Les seules affirmations n’apportent que peu de crédit à votre dossier. Ainsi par exemple, si vous savez que votre employeur a manqué à une obligation mais que vous n’en avez aucune preuve, il est conseillé d’abandonner cette demande et de vous concentrer sur les demandes pour lesquelles vous bénéficiez des éléments de preuve.
Une fois que vous avez chiffré vos demandes et que vous êtes en mesure de produire des preuves de ce que vous avancez, vous serez en mesure de saisir le Conseil de Prud’hommes (voir notre article dédié).
La première phase est le bureau de conciliation et d’orientation (BCO)
Il s’agit d’une audience lors de laquelle les conseillers entendent les explications des parties et s’efforcent de tenter de les concilier.
En cas de conciliation totale ou partielle, un procès-verbal mentionne la teneur de l’accord intervenu.
A défaut de conciliation totale, la procédure suit son cours.
Il est donc possible de parvenir à un accord avec l’employeur dès ce stade de la procédure et d’en terminer avec celle-ci moyennant le respect de cet accord et le versement des sommes prévues par lui.
Si la procédure devait suivre son cours, sachez qu’il est possible pour les parties de conclure un accord à n’importe quel stade de la procédure pour mettre fin au litige, et ce même après l’audience de plaidoirie.
Il est naturellement pertinent de formaliser l’accord par écrit et de ne mettre un terme à la procédure que lorsque celui-ci a été régularisé par l’ensemble des parties.
Nous ne saurions que trop vous conseiller de faire appel à un avocat afin qu’il s’assure de la parfaite régularité de l’accord et vous offre une entière sécurité juridique sur celui-ci.