Maladie professionnelle du salarié : l’accompagnement juridique de l’avocat

Si les données de l’assurance maladie permettent de constater, pour l’année 2023 et en attendant les chiffres 2024, une baisse, par rapport à l’année 2022, des accidents du travail indemnisés par un arrêt de travail supérieur à 3 jour (- 1,5 %), les maladies professionnelles augmentent quant à elle notablement de 7,3 %.

On dénombrait, toujours sur l’année 2023, 125 958 déclarations de maladie professionnelle pour « seulement » 68 546 sinistres reconnus, soit un taux de décision favorable de 64,6 %, bien loin du taux relatif aux accidents du travail de 93,5%. Sans compter qu’échappent à la statistique toutes les maladies potentiellement professionnelles mais non déclarés par les salariés… 

Si la déclaration d’accident du travail semble aboutir de manière presque systématique, c’est loin d’être le cas des déclarations de maladies professionnelles. Les chiffres sont évocateurs et l’on ne peut que s’interroger sur les raisons de la disparité frappante de ces deux dernières données.

Il est possible de trouver un début d’explication dans la méconnaissance des ressorts juridiques de cette notion par les assurés.

Un rappel s’impose donc.

Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle ?

Il est essentiel de cerner la notion.

En l’absence de définition par la loi de la maladie professionnelle, nous nous en tiendrons en premier lieu à la définition communément admise et qui relève d’un bon sens certain : la maladie professionnelle est la conséquence soit de l’exposition du travailleur à un risque lors de son activité professionnelle, soit de ses conditions de travail.  

La définition, relativement large, permet ainsi de couvrir de multiples réalités, de l’exposition à un agent toxique en passant par la crise COVID-19 et allant jusqu’aux troubles musculo-squelettiques

Attention toutefois à bien distinguer la maladie professionnelle de l’accident du travail. Ce dernier se caractérise par un fait sur venu à date certaine et reste conditionné par une certaine soudaineté, là où, a contrario, il est difficile de dater le point de départ de la maladie professionnelle et parfois plus difficile encore de démontrer le lien entre la pathologie déclarée et l’activité professionnelle.

Le législateur a tenu compte de cette spécificité en établissant tableau dans lequel sont répertoriées l’ensemble des maladies professionnelles. 

Ainsi, lorsque la maladie correspond à l’une de celles qui sont énumérés dans le tableau et qu’elle a été contractée dans les conditions mentionnées, la victime bénéficiera d’une présomption d’origine professionnelle de sa maladie. Elle n’aura donc pas à apporter, elle-même la preuve que cette maladie est d’origine professionnelle. 

A contrario, dans le cas d’une maladie qui ne rentre dans aucune de ces cases, il reviendra au malade de démontrer le lien de causalité entre celle-ci et sa profession par le biais d’une procédure complémentaire de reconnaissance de maladie professionnelle et d’une expertise médicale.

A NOTER : l’épuisement professionnel ou « burn out » n’est à ce jour pas répertorié dans le tableau des maladies professionnelles. Pourtant des pathologies psychiatriques induites par le travail peuvent être reconnues comme maladie professionnelle, à condition pour l’assuré de démontrer la réalité du diagnostic et son lien avec l’emploi occupé. Cette démarche reste tout de même complexe et l’on peut peut noter une certaine « réticence » à la reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle par les caisses. Cela peut sans doute en partie s’expliquer par la recrudescence des symptomatologies de souffrance au travail et la difficulté de leurs diagnostics. 

Outre cette condition de présence dans le tableau précité, il est également impératif que le délai de prise en charge fixé par ces mêmes tableaux soit respecté.

Il s’agit du délai maximal intervenu entre la cessation de l’exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie. En d’autres termes, il s’agit du délai pendant lequel la maladie doit être médicalement constatée.

Au-delà de l’expiration de ce délai, le salarié sera prescrit et nous pourra plus faire reconnaître sa maladie professionnelle.

Qu’est ce qu’une exposition au risque ?

Tel qu’évoqué, pour que la présomption du caractère professionnel de la maladie s’applique, le travailleur doit avoir été exposé « à l’action des agents nocifs inscrits aux tableaux » (article L 461-2 du Code de la Sécurité Sociale) des maladies professionnelles.

Première remarque, la jurisprudence admet de longue date que cette exposition au risque puisse être directe ou indirecte.

En d’autres termes, peu importe qu’un produit nocif ait été mis disposition de la victime pour l’exécution de son travail ou encore que celui-ci ait personnellement effectué les travaux en cause. Il suffit que le travailleur y ait été exposé d’une manière ou d’une autre.

Dans la droite ligne de cette interprétation, pour nombre de maladies et sauf précision explicite, aucun seuil d’intensité ou de dose dangereuse n’est visé pour que la présomption s’applique.

En revanche, un certain nombre de tableaux de maladies professionnelles posent une condition de durée minimale d’exposition au risque. En toutes hypothèses, même sans cela, la jurisprudence considère que l’exposition au risque doit être habituelle, sans pour autant aller jusqu’à exiger qu’il s’agisse là d’une part prépondérante du travail du salarié.

Pour que la condition d’imputabilité puisse pleinement jouer, le travailleur doit avoir effectué des travaux figurant dans les listes fixées par les tableaux de maladies professionnelles.

Attention toutefois aux caractéristiques de ces énumérations qui sont, soit limitatives, auquel cas les travaux devront impérativement être notés, soit indicatives, auquel cas il ne s’agira que d’un élément d’appréciation parmi d’autres.

L’on ne manquera pas de rappeler que, si la présomption ne trouve pas à s’appliquer, il est toujours envisageable de reconnaître le caractère professionnel d’une maladie hors tableaux ou lorsque toutes les conditions ne sont pas remplies, au terme d’une expertise individuelle.

Quelle procédure ?

Première étape, la déclaration de la maladie à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie au moyen du formulaire dédié.

Contrairement à un accident du travail, normalement tributaire d’une déclaration de l’employeur, la maladie professionnelle est déclarée par la victime auprès de la Caisse dont elle relève.

Précision notable, en cas de décès de la victime les ayants-droits peuvent effectuer cette déclaration.

Outre les documents qui doivent être naturellement joints à cette déclaration, énumérés au formulaire, l’on insistera particulièrement sur le caractère obligatoire du certificat médical initial qui fixe le point de départ du délai d’instruction laissé à la Caisse pour traiter la demande.

Le délai de prescription pour faire valoir ses droits est de deux ans à compter soit de la date de cessation de travail due à la maladie (lorsque le travailleur en est informé), soit lorsque la victime est informée par certificat médical du lien possible entre sa pathologie et son activité professionnelle, soit, enfin, de la cessation du paiement des indemnités journalières.

Deuxième étape, la Caisse accuse réception de la déclaration et adresse au déclarant un accusé de réception mentionnant le délai dont elle dispose pour instruire la demande et rendre sa décision.

Cette dernière informe ensuite l’employeur de cette déclaration.

Troisième étape, l’instruction du dossier par la Caisse.

Celle-ci dispose d’un délai initial de trois mois pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Ce délai peut être prorogé lorsqu’une enquête complémentaire est nécessaire.

Si la Caisse, à l’issue de ces délais n’a pas réagi ou n’a pas notifié de décision explicite, le caractère professionnel de la maladie est implicitement reconnu.

En cas de difficulté sur un dossier, la Caisse a la possibilité de saisir le CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles) afin que celui-ci statue dans un délai de 4 mois à compter de sa saine (outre 2 mois supplémentaire en cas de besoin d’enquête complémentaire).

L’avis de cet organisme s’impose à la Caisse Primaire.

Quel rôle et quelles prérogatives pour l’employeur ?

A l’instar des accidents du travail, la procédure d’instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle se doit d’être contradictoire tant à l’égard de l’assuré (ou de ses ayants-droits) que de l’employeur.

La caisse est par conséquent tributaire d’une obligation générale d’information à l’égard de ce dernier qu’elle doit, préalablement à sa décision, informer des éléments recueillis et de la possibilité qui leur est offerte de consulter le dossier.

Celui-ci peut être demandé librement et à tout moment. Toutefois, les documents médicaux, couverts par le secret médical, ne sont pas communicables à l’employeur.

Le défaut de respect de cette obligation entraîne l’inopposabilité de la décision de la Caisse à l’employeur. Nous préciserons tout de même qu’en l’absence d’instruction, lorsque la Caisse prend sa décision sur la seule déclaration de maladie, l’obligation d’information ne s’applique pas.

Une inopposabilité signifie d’une part que les dépenses liées à l’indemnisation de la victime ne pourront être mises à sa charge sur le compte « accidents du travail et maladies professionnelles » de l’entreprise, et, d’autre part, dans l’hypothèse d’une reconnaissance de faute inexcusable, que l’employeur est exonéré de l’obligation de rembourser à la Caisse le complément d’indemnisation accordé à la victime.

Tout au long de la procédure d’instruction, l’employeur peut formuler des réserves sur le caractère professionnel de la maladie. Celles-ci doivent être motivées mais il ne s’agit pas à proprement parler d’un recours.

En revanche, dans le cas d’une décision de prise en charge, l’employeur a la possibilité de contester la décision de la Caisse dans un délai de deux mois à compter de la notification.

La première phase de la procédure est amiable et suppose la saisine de la Commission de Recours Amiable (CRA).

Ce n’est qu’au terme de cette première phase que l’employeur peut passer à la phase contentieuse et saisir le Tribunal compétent.

La décision de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie

Lorsque la Caisse prend une décision de prise en charge (implicite ou explicite), elle notifie sa décision à la victime (ou ses ayants-droits) et à l’employeur.

Dans le cas d’un refus de prise en charge, cette notification intervient de manière identique et, parallèlement, la Caisse informe le médecin traitant de sa décision.

Le refus de prise en charge prive la victime (ou ses ayants-droits) des réparations correspondantes et du bénéfice de l’indemnisation au titre de l’assurance maladie. Cela n’empêche toutefois pas le salarié de formuler une nouvelle demande en fournissant des éléments nouveaux.

Le salarié a également la possibilité de contester cette décision dans le cadre d’une procédure judiciaire.

L’indemnisation de la maladie professionnelle

La prise en charge de la maladie professionnelle permet la prise en charge totale des soins et le versement d’une indemnité journalière en cas d’incapacité temporaire ou d’une rente en cas d’incapacité permanente.

En cas de décès de la victime, les ayants-droits ont droit à l’attribution de rentes et la prise en charge des frais funéraires.

L’attribution des indemnités journalières suppose une incapacité de travail médicalement constatée ainsi qu’une perte de gains professionnels.

La rente, elle, est calculée en fonction du taux d’incapacité (lequel peut faire l’objet d’une contestation) et de la rémunération du salarié.

Quels délais pour ces demandes ?

Les victimes ou leurs ayants droit peuvent demander le bénéfice des prestations et indemnités pendant 2 ans.

Ce délai court à compter :

On retient le délai le plus favorable à la victime.

Une profonde connaissance de la notion de maladie professionnelle et de la jurisprudence foisonnante qui l’accompagne est essentielle pour optimiser les chances de reconnaissance pour l’assuré. Le respect des procédures et l’intervention d’un avocat apparaissent essentiels pour les droits tant de la victime que de l’employeur. Il à ce titre crucial de bien documenter le dossier et de respecter scrupuleusement les étapes procédurales pour éviter toute conséquence dommageable.

Pour aller plus loin